Texte d’orientation congrès 2013
Sur les plans économiques et sociaux la situation de l'Europe est encore fortement marquée par le mode de gestion de la crise: accroissement de l'endettement des États pour faire face à la crise des banques suite à leur comportement spéculatif, endettement des pays payé très cher à ceux qui ont provoqué la crise, le tout entraînant une déflation salariale couplée à une crise de l'emploi et une réduction des politiques publiques.
Cette austérité, imposée notamment par la troïka, entraîne une aggravation de la situation économique et sociale, bien au-delà du supportable dans les pays du sud de l'Europe. Dans le même temps, les pays bénéficiaires de la situation antérieure et actuelle, l'Allemagne en premier, bloquent toute solution fondée sur la solidarité et un changement de politique. La Grèce, l'Espagne,le Portugal, l'Italie, Chypre de même que l'Irlande sont particulièrement touchées. La réélection de Merkel, le suivisme de la France, ne laissent aucun espoir mais beaucoup d'inquiétudes du fait de la montée
des extrêmes droites (y compris en Norvège et en Suisse, hors UE), des faiblesses des gauches et du mouvement social.
La montée générale en Europe du racisme (en particulier sous la forme de l'islamophobie) et de l'extrême droite sur fond de discrédit de la classe politique est un indicateur-clé de la crise dans sa dimension politique.
Elle doit être reliée à la dimension géopolitique de la crise dans un monde occidental qui n'est plus dans la situation de domination mondiale qui a été la sienne cinq siècles durant.
En France, un an après
La gauche social-libérale (PS et EELV) est au pouvoir depuis plus d’un an. Son gouvernement mène une politique qui va à l’encontre des aspirations des électeurs et des électrices qui ont chassé Sarkozy. Surtout, cette politique aggrave les effets de la crise et ne propose aucune sortie par le haut articulant justice sociale et transition écologique et fondée sur une tout autre politique économique sur les plans de la finance, de la fiscalité, de la production.
Suite à l'absence de changements significatifs après les élections, le pouvoir a abandonné toutes les promesses pour des choix relevant d'une politique libérale sur le plan social et économique, basée sur la stratégie "d'économie de l'offre" avec les trois piliers de la compétitivité (baisse du coût du travail), de l'austérité, de la poursuite de la même politique européenne:
· adoption du traité budgétaire européen,
· déréglementation du marché du travail (ANI),
· multiples cadeaux au patronat,
· absence de réforme bancaire et fiscale,
· privatisations à venir …
La contre-réforme des retraites est une étape de plus dans une politique qui consiste à alléger les «charges» des entreprises et à les transférer sur le plus grand nombre. À l’exception de quelques rares mesures, aucun progrès social ou écologique n’aura été inscrit à l’agenda gouvernemental.
François Hollande appuie sa politique sur l’hypothèse fantaisiste du retour d’un minimum de croissance économique qui devrait ramener mécaniquement davantage d'emplois et de ressources fiscales, tout en aggravant la crise écologique.
Mais, d'une part, une croissance molle n'aura aucun effet sur l'emploi, et d'autre part, les fondements et les conséquences de la crise économique ouverte en 2008 sont toujours à l’œuvre et elles se combinent avec l’approfondissement de la crise écologique que les politiques de «capitalisme vert» ne visent à conjurer. Pendant ce temps là, si la courbe du PIB ne remonte pas ou trop peu, d'autres courbes montent marquant une forte dégradation des conditions sociales comme l'indiquent les titres de trois récentes notes de l'INSEE: "La pauvreté en France au plus haut niveau depuis 1997", "Les dépenses alimentaires deviennent de plus en plus lourdes pour les ménages modestes", "Le chômage au plus haut depuis 15 ans". Cela s'accompagne de l'accroissement de la pauvreté et des inégalités du fait du double mouvement de la hausse des revenus des couches favorisées et de la baisse de ceux des couches déjà défavorisées, en raison
notamment de la faible revalorisation du SMIC horaire brut, du refus de toute hausse des minimas sociaux et de mesures combattant la misère. Sur fond de chômage très élevé et durable, ces évolutions aggravent la précarité pour de nombreuses personnes et pour de nombreuses zones. La résorption de cette double ségrégation sociale et spatiale, qui devrait être un enjeu essentiel de toute politique de gauche, en est presque totalement absente.
Or cette absence contribue fortement à l'apathie, favorable au FN, des couches populaires à côté de quelques formes de résistance. Celles-ci sont bien modestes eu égard à la gravité de la situation en raison des non réponses, structurelles et conjoncturelles à la crise et à ses effets sociaux, notamment par le pouvoir actuel.
Cette apathie résulte aussi de l'incapacité des forces sociales et politiques de transformation à construire collectivement une autre réponse et à la partager avec les couches populaires. De ce point de vue, avec le phénomène des «bonnets rouges» et le dévoiement d'une lutte légitime pour l'emploi par le patronat et les lobbies libéraux et productivistes, les récents événements qui se sont produits en Bretagne sont emblématiques d'une situation nouvelle et inquiétante. Ils témoignent
des carences des forces progressistes à apporter ensemble des réponses aux aspirations populaires et à mobiliser sur des objectifs de transformation. Ils révèlent aussi, malgré la perte de légitimité des thèses libérales, la volonté du capital de poursuivre l'offensive contre ce qui reste d’État social au travers d'une croisade antifiscale. Son objectif est de se libérer de toute entrave, en s'appuyant, dans le cas breton, sur la récupération d'une identité culturelle spécifique présentée par les libéraux comme un facteur de conquête dans la compétition économique mondiale.
Ce désarroi naît aussi du sentiment de l'impossibilité à changer les politiques décidées par le gouvernement, le lobbying ou la pression de la rue ont peu de résultats, l'État accompagnant les choix de la finance internationale.
Les voies d'une alternative institutionnelle, face aux blocages de la Vème République et à l’épuisement des institution démocratiques, sont donc à réinventer.
À cet égard la contestation des institutions actuelles par l'extension de la démocratie active doit
être un axe essentiel d'intervention pour la gauche de transformation sociales dans les prochaines années.
Cela doit s'inscrire dans un travail sur de nouvelles institutions: VIème République, démocratie économique, organisation territoriale, …
D'autres éléments très importants, en sus de la promesse non tenue de celle faite en 1981 du droit de vote aux élections locales pour les résidents étrangers, signent le cours de plus en plus droitier de la politique du gouvernement sous emprise idéologique du FN et sous pression de l'UMP:
· le renoncement à l'abrogation du CESEDA (Code de l'entrée du séjour et du droit d'asile), fondé
sur la logique politique libérale utilitariste qui lie le droit de séjour au besoin de l'économie, combattu sous le gouvernement Sarkozy; la situation des étrangers s'est encore dégradée: le
droit d'asile est bafoué, les expulsions (dont celles de jeunes en formation) continuent avec des
objectifs chiffrés du ministère de l'intérieur à l'identique de celui du gouvernement précédant,
la majorité des sans papiers reste soumise à une terrible précarité, tant par la surexploitation
au travail, que par la catégorisation des titres de séjour, les Rroms sont stigmatisés, ... Ce
qui était inacceptable sous la présidence de Sarkozy ne l'est pas moins sous la présidence de
Hollande;
· pire encore sont les discours sécuritaires et racistesde Valls, dignes rappelant des propos des
années trente
Ces éléments s'ajoutent au discrédit chaque jour plus grand du monde politique et alimentent la dimension de crise de la politique et de sa représentation, l'une des composantes de la crise globale.
C'est bien l'ensemble de ces composantes de la crise globale, et pas seulement la dimension économique et sociale même si celle-ci demeure l'élément explicatif principal, qui est à la racine de la montée des droites extrêmes et du FN. Suite à la politique de stigmatisation et de ségrégation de SARKOZY et à sa poursuite par VALLS, cette montée pose de graves questions aux démocrates et notamment aux forces sociales de gauche qui ne sont actuellement pas encore en mesure
d'y répondre.
Sur un autre plan, le renoncement à toute politique publique écologique digne de ce nom, du nucléaire maintenu et relancé au gaz de schiste toujours menaçant, en passant par l'incapacité à renoncer aux grands projets inutiles tels que celui de NDDL, n'apporte aucune réponse à la crise écologique, autre composante de la crise globale et continue de susciter des mobilisations
citoyennes d'ampleur. L'écho rencontré par celle de NDDL fait de celle-ci un symbole égal à celle
du Larzac autrefois.
Malgré l'atonie des mouvements sociaux et la situation politique des résistances existent. Ainsi, la lutte pour a sauvegarde de l'emploi prend de plus en plus la voie de la reprise d'entreprise, voire de formation de coopératives; SeaFrance, Fralib, Pétroplus, Kem One.
Des projets visent à expérimenter le changement social.
Partout, des lueurs d'espoirs émergent, des idées nouvelles sont débattues - le revenu de base, l'économie circulaire et distributive, l'autogestion ... - de nouvelles mutuelles, des prêts solidaires, des magasins pour rien, des restaurants solidaires, des villes en transition,des monnaies complémentaires, des jardins de cocagne se pratiquent…
Toutes ces idées et les activités qui en découlent sont l'oeuvre d'indigné-e-s, de motivé-e-s, d'utopistes réalistes, de décroissants, en un mot de personnes à contre courant. Le socle des Alternatifs est fait de ces histoires, des luttes anticoloniales, d’une autre façon de gérer l’économie et l’entreprise (l’autogestion), de mettre en avant les fronts trop souvent considérés comme secondaires qui sont à nos yeux primordiaux:
l’écologie, le féminisme. Ces résistances et ces innovations, sans changer globalement la société, sont révélatrices d'aspirations à en changer, à refuser l'ordre capitaliste. Avec elles, il nous faut continuer de mener la bataille pour la conquête de l'hégémonie. Et c'est bien, en miroir, la question d'un projet d'ensemble, d'un projet anticapitaliste et alternatif, qui nous est posée et qui donne à la gauche alternative une responsabilité particulière et un rôle important à jouer dans le débat qui s'ouvre.
La crise de civilisation est aussi une crise géopolitique qui bouleverse la configuration actuelle des relations internationales. La montée en puissance des pays dits «émergents» signe pour les sociétés du Nord le début de la fin d’une hégémonie de cinq siècles, dont la domination coloniale et les différentes formes d'impérialismes économique et culturel ont été les principales manifestations. C'est un phénomène majeur et positif mais il faut néanmoins se garder de tout simplisme car cela se traduit aussi par le rôle de plus en plus important joué par d'anciens impérialismes (russe) comme par de nouveaux à l'image de l'impérialisme économique chinois en Afrique.
Cette hégémonie a été, dans un premier temps, remise en cause par le long processus des révolutions anticoloniales du XXème siècle. Une deuxième étape de ce processus s'est ouverte à partir des années 1990: dans un premier temps en Amérique indo-afro latine avec l'arrivée au pouvoir de gouvernements de gauche modérée ou plus radicale dans une grande partie du continent; dans un second temps dans le monde arabe par l'ouverture d'un vaste processus révolutionnaire à partir de 2010 notamment en Tunisie, en Égypte, en Syrie, en Libye, à Bahreïn et au Yémen.
Pris dans leur ensemble, ces processus populaires relèvent d'une dynamique émancipatrice globale démocratique et sociale dans laquelle la question de l'autoorganisation des dominé-e-s a toute sa place. Ils sont toujours ouverts et vivants même s'ils sont marqués par de nombreuses contradictions, doivent faire face à d'importantes difficultés et surmonter des obstacles
tout aussi nombreux.
C'est notamment le cas du djihadisme qui met en difficulté les processus révolutionnaires dans le monde arabe et aggrave un certain nombre de conflits intranationaux et régionaux de l'Atlantique à l'Asie du sudest.
Dans ce contexte il est nécessaire de réaffirmer notre solidarité avec les processus en cours en Amérique indo-afro-latine comme dans le monde arabe. La solidarité avec la révolution populaire syrienne et l'aide aux révolutionnaires syrien-ne-s sont d'une brûlante actualité aussi bien contre le régime de Bachar Al-Assad et ses soutiens régionaux et internationaux que contre les ingérences qataries et saoudiennes et contre les menaces d'interventions militaires occidentales, étasunienne et française notamment. Enfin, la lutte toujours aussi essentielle du peuple palestinien est inséparable de la dynamique révolutionnaire en cours dans le monde arabe: cette dynamique doit en retour jouer dans le sens d'un rapport de force favorables aux exigences palestiniennes que nous devons
plus que jamais soutenir face à la politique prosioniste du gouvernement français.